L’architecture Amoureuse : Extrait du livre – L’ile des Gauchers – Alexandre Jardin

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L'ile des gaucher-architecture amoureuse
L’ile des gauchers, Alexandre Jardin

Il m’arrive rarement de lire des romans mais je suis tombé sur « l’ile des Gauchers » écrit par Alexandre Jardin. Je vous partage un extrait qui décrit la construction de la maison des héros, M. et Mme Cigogne. Je l’ai trouvé particulièrement intéressant car il décrit la conception de la maison idéale d’un couple qui a décidé de s’aimer véritablement.
Peut-être que certains couples se retrouveront dans cet extrait…

Je vous souhaite une bonne lecture…

[…] – Une maison peut-elle vraiment aider à aimer?
I’m afraid not, ! répliqua Lord Tout-Nu. Mais c’est beau de le croire, n’est-ce pas ? L’île des Gauchers ne s’est-elle pas bâtie sur des espérances ?  Ici, nous croyons aux vertus des chimères !
Cette réponse ambiguë laissa Lord Cigogne perplexe. De retour à Port-Espérance, Jeremy (Lord Cigogne) et Emily se mirent à rêver de la maison qu’il convenait de bâtir pour qu’elle les protégeât non seulement des typhons mais aussi des pièges de la vie à deux. Maladroitement, ils dessinaient des plans susceptibles de favoriser leur bonheur, les jetaient au panier, négociaient l’ouverture d’une porte, se querellaient sur les verrous qu’il était judicieux de poser; dix fois il s’y reprirent sous les yeux amusés de Peter, Laura et Ernest. […]
Chacun à son niveau, Ernest, Laura et Peter avaient commencé à être initiés aux labyrinthe du cœur des hommes et des femmes, éveillés aux griseries des corridas amoureuses qui les attendaient. C’est ainsi que Laura lança un jour, du haut de ses quinze ans :
Daddy, c’est simple, dessine une maison qui vous permettent d’être plus libre et d’être mieux ensemble, vraiment ensemble.
Lord Cigogne regarda Laura avec effarement ; ce qu’elle venait de dire était à la fois banal et follement juste. Il n’en revenait pas d’être passé à côté d’un principe aussi fondamental de l’architecture amoureuse : davantage de vie de couple et plus de solitude ; cela répondait exactement à l’ambivalence d’Emily. Aussitôt, il attrapa un feuille de papier et conçut presque d’un jet la maison d’Emily, une maison dans la vie matérielle à deux ne prendrait jamais le pas sur leur commerce affectif ; de façon à éviter que l’un ou l’autre éprouvât la sensation d’être piégé, de s’être fait voler sa liberté.
La façade du bâtiment en teck de Nouvelle-Zélande présenterait deux portes, qui donneraient chacune dans une demi-maison ; au rez-de-chaussée, deux appartements indépendants – et complets – seraient séparés par une cloison. Chacun pourrait y couler des jours sereins en célibataire. Emily se crèmeraient le physique sans vergogne de son côté, le soir ; Jeremy se délasserait loin des agaceries qui empêchent l’amour de prospérer. Il serait ainsi possible d’aller et de venir hors de la maison sans que l’autre pût exercer ce contrôle irritant et implicite qui fait sous le couvert de la plus vivre tendresse. Pour jouer au mariage, il suffirait de monter au premier étage, afin de se prélasser dans la partie commune de la maison, là où une vaste chambre de copulation jouxterait celles des enfants qui seraient autorisés à rôder partout. Bien entendu, il était convenu qu ni lui ni Emily ne pourraient pénétrer dans les appartements de l’autre sans y être expressément invité.
Naturellement, la structure du bâtiment permettait toutes évolutions ultérieures au cas, très improbable, où Lord Cigogne et Emily souhaiteraient davantage de vie commune. Qui sait ? Peut-être voudraient-ils un jour se faire greffer les veines et les intestins afin de partager jusqu’à leur digestion ! En attendant ce grand soir de fusion, la demeure des Cigogne se présenterait ainsi.
Emily accepta ce plan qui ménageait ses aspirations les plus contraires ; le gros œuvres fut réalisé sans délai, avec l’aide de si Lawrence, sur les rives d’une baie du sud de l’île. cette zone montueuse se donnait certains jours de brume des airs d’Écosse. Touchés par la les beautés de cette nature presque celte, Emily et Jeremy avait fait fi des préoccupations de sûreté des Gauchers qui préféraient s’installer dans la grande fosse de Port-Espérance, à l’abri des morsures des typhons et des rares incursions de la piraterie malaise ; la dernière remontait à 1927. […]
Emily et Lord Cigogne regardaient s’élever cette curieuse maison avec effarement. Pour ce couple d’Anglais nés à la fin du XIXe siècle, cette réalité qu’ils bâtissait de leurs mains, au bord d’un lagon austral, avait ce parfum d’irréalité qui ne cessait de les étonner. […]

Ame